Droit, morale, justice : Quelles Frontières ? La justice est-elle le lieu de la réconciliation ?

C’est la problématique que la Fondation Saint-Irénée a soulevé lors d’une table ronde, organisée à l’Université Catholique de Lyon le 20 mai 2019, en présence de quatre professionnels spécialisés. Deux heures d’échanges riches et intenses.

La Fondation Saint-Irénée se penche régulièrement sur des questions de sociétés. Notamment au travers de tables rondes baptisées “ Le Grand Témoin de la Fondation Saint-Irénée“. Le dernier rendez-vous de ce type avait pour thème : Droit, morale, justice : Quelles Frontières ? La justice est-elle le lieu de la réconciliation ? Vaste programme ! En filigrane, les affaires Kerviel, Sauvage et Barbarin, entre autres, ont nourri les débats dans un amphithéâtre archi-comble. Des débats auxquels ont participé quatre spécialistes :  François Falletti, ancien procureur général auprès de la Cour d’appel de Paris ; Jean-Noël Dumont, philosophe ; Jean-Philippe Delsol, avocat, docteur en droit ; Olivia Dufour, journaliste et présidente du cercle des journalistes juridiques. Morceaux choisis…

François Falletti, ancien procureur général à la Cour d’appel de Paris : “ Ces affaires, très médiatiques, sont pénibles et parfois douloureuses. Toutefois, devant cet emballement des médias, la loi reste la loi. Et le juge l’applique sachant qu’une interprétation reste possible. Je rappelle que loi repose sur trois piliers : on rend la justice au nom du peuple français, le débat est contradictoire et n’oublions pas la présomption d’innocence. (…) La justice est un lieu de crispation. Et le droit un mécanisme de régulateur de la paix sociale. (…) In fine, je pense qu’il faut préserver la justice de l’emballement médiatique et je suis assez inquiet du nombre de fuites qui filtrent dans la presse.“

Jean-Philippe Delsol, avocat, docteur en droit : “ Je dirais que le juste n’est pas le bien. Le droit n’est pas le bien, mais que le droit est le juste. Il faut aussi distinguer droit et morale. Quand le droit usurpe la morale, il ne dit plus le droit. Toujours à la question du jour, j’ajouterais que le bouc émissaire est une technique barbare pour exorciser la faute et que ce n’est pas un bon principe dans un état de droit. (…) Quant à la notion de transparence, il s’agit d’être prudent car cela peut entraîner une violation des intimités et de donner de la permanence au conflit. En guise de conclusion, j’insiste sur la notion de discernement. La justice doit être la plus objective possible et doit exercer du discernement. “

Jean-Noël Dumont, philosophe : “ On parle de justice, de réparation et de sanction. C’est au fond la question du mal qui est posée. La question la plus fondamentale qui justifie toutes nos constructions sociales, nos mœurs, nos lois, nos croyances et nos rites. Tout acte répréhensible remet en cause notre capacité à vivre ensemble.(…) On attend du tribunal une fonction cathartique. La fonction de la justice n’est pas d’apaiser la souffrance. La place publique n’est pas le bon lieu pour rendre la justice. Alors comment retrouver la paix ? Il faut que la justice soit rendue dans la sérénité loin de tout aspect théâtral. (…) Pour finir, l’on pourrait dire : si j’ai un secret pour ma femme, elle devient ma maîtresse. “

Olivia Dufour, journaliste et présidente du cercle des journalistes juridiques : “ J’observe depuis 25 ans la justice française. Et la vision toxique des médias sur elle. (…) Pour faire écho aux trois affaires, que nous évoquons ce soir, il est ressort que les médias sont toxiques et créent des victimes.  La première, c’est la justice dont l’image est erronée. La deuxième, c’est l’opinion publique. Dans ces affaires, il existe une infime élite journalistique qui dispose de l’info mais qui est malheureusement inaudible. Quel citoyen va lire 300 pages de jugements juridiques ? La troisième victime, ce sont celles qui en font l’objet. “ Elle vient de publier un livre « Justice et médias : la tentation du populisme » LGDJ.

 

Video de la conférence